"La ferme km33"

what : I have been invited by Studio KO, for a three weeks residency in their home "la ferme km33", in front of the desert.
where : Agafay desert, Marrocco.
when : mai/june 2022.

Je vais souvent à la recherche d’un ailleurs comme refuge, afin de prendre du temps et de trouver l’inspiration. Dans ces ailleurs il y a Collioure, Chamonix ou le Mexique. Ce sont des lieux familiers où j’ai mes habitudes, où j’aime m’installer afin de me sentir chez moi. J’ai quitté ma maison à Paris pour en retrouver une autre au Maroc. C’est celle de Karl, Olivier, Jean-Noël, Fatima et Omar, où j’ai été accueilli. C’est une maison de partage, que l’on découvre seulement si l’on y est invité. Elle a été construite comme une ferme traditionnelle, dans un petit hameau aux portes du désert d’Agafay. C’est un espace de liberté et de création nommé « la ferme km33 », qui m’a été offert pendant 3 semaines par Studio KO. J’ai eu l’impression de découvrir un secret, en y emmenant les miens. Depuis l’enfance j’ai pour habitude d’accommoder les lieux que je visite, de les investir, et c’est très naturellement que j’ai décidé d’habiter de la même manière cette maison très inspirante. Celle-ci est parfaitement intégrée dans son environnement, construite avec des matériaux locaux, comme taillée dans le désert, pour se rapprocher, il me semble, du sensible. J’y vois la volonté de retrouver un lieu familier et chaleureux, qui reconnecte à notre plus grande simplicité. Il n’y a de toute façon que très peu de lien avec l’extérieur, c’est un isolement plaisant, sans réseau de téléphone ni internet. J’ai emporté dans ma valise quelques outils et envies, mais peu d’attentes, car je ne savais pas ce qui m’attendais. Pour le reste, je l’ai trouvé sur place. La rencontre est une partie importante de mon travail, afin de laisser la place à l’inattendu. Ma première approche fut donc la découverte et l’exploration des environs, l’observation et la collecte de matériaux divers : fleurs séchées, terre, sable, sacs plastiques, ficelle, coquilles d’escargots, noyaux, ronces, etc. J’ai contemplé avec admiration l’austérité de ces cours et patios, ainsi que des nombreuses pièces. Je n’ai pût m’empêcher de vouloir y rajouter quelque chose, et d’y laisser un peu de moi. Peut être est-il impertinent de déranger une sobriété aussi maîtrisée? J’ai décidé de consacrer tout mon temps à la création d’objets, de sculptures et de tableaux « in situ » ; et de laisser en partant l’ensemble de ma production sur place, comme cadeau de remerciement. L’ensemble a spontanément pris une forme d’exposition, dont j’aurais soigneusement imaginé la scénographie au grès des déambulations. J’ai installé mon espace de travail dans la salle à manger principale, ouverte sur le grand jardin, avec pour toile de fond les hauts sommets de l’Atlas. C’est une vue grandiose, où j’apercevais de temps en temps Omar au travail. Le mien était tantôt calme ou musical, tantôt rythmé par les somptueux petits déjeuners, déjeuners et dîners que me préparait Fatima chaque jour. Les journées furent créatives et productives. Mais les nuits, seul dans cette grande maison, furent assez décousues. J’ai découvert un sommeil irrégulier, morcelé et agité. Je n’ai alors pu m’empêcher de penser à cette phrase qui résonne encore dans ma tête, et qui m’a été énoncée par mon père il y a quelques années. Elle est le thème de cette résidence, et une pensée pour lui : « On ne réveille pas ceux qui dorment ».